EXTRAITS DE L'ENVOL D'UN PÈRE
« Portrait d’un père aimant »
Si je devais décrire mon père en ne gardant que les bons souvenirs, je dirais simplement qu’il était le père aimant dont chaque enfant peut rêver. […] rien ne laissait présager de la dégradation si soudaine de son état et du malheur qui allait suivre…
« Le quotidien se modifie étrangement »
Je continuais à observer mon père et je constatais que les périodes d’agressivité étaient de plus en plus fréquentes. […] Pour ma mère et moi, tout semblait aller très vite, les troubles étaient de plus en plus nombreux.
[…] Le profil qui commençait à se dessiner ne lui ressemblait donc absolument pas ! Ce sont tous ces comportements étranges qui nous alertèrent.
« La formation des aidants familiaux »
Effectuant des recherches sur internet en tapant ses « symptômes » dans les moteurs de recherche, je suis arrivée directement sur le site de France Alzheimer. J’ai pu y reconnaître une bonne partie des comportements de mon père, ceux que l’on peut observer dans la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées. Bien sûr, cela ne suffisait pas à poser un diagnostic, il fallait des examens pour cela. […] J’ai alors découvert qu’il existait une formation pour les aidants familiaux. […] Cette formation m’a permis d’en apprendre davantage sur la maladie d’Alzheimer, sur le « risque » d’évolution de l’état de mon père, sur les différentes aides possibles. Je ne perdais aucune miette de ces précieux conseils.
[…] Cela me permit également de rencontrer des gens formidables, de me sentir enfin comprise dans ce que je vivais. Mes amis, eux, ne pouvaient pas comprendre.
[…] Par la suite, je suis restée en contact avec la personne bénévole qui animait la formation, Anne. […] Anne m’est toujours d’un soutien formidable, et même si nous ne nous voyions pas souvent, je sais qu’elle est là, que je peux toujours lui laisser un petit mot, qu’elle me soutiendra.
Cette formation m’a fait prendre une décision importante : il fallait que je me prenne en mains. Je ne pouvais pas rester seule face à ce quotidien, à souffrir de plus en plus au fil du temps, à voir notre vie se dégrader. Je ne pouvais plus être spectatrice éveillée de ce cauchemar.
« Une dégradation assez rapide… »
Je n’arrivais même plus à savoir ce que je représentais pour mon père, s’il m’aimait toujours, si je comptais encore pour lui, et ma mère se posait les mêmes questions que moi. Il devenait, au fil des jours, de plus en plus agressif, et je commençais à éprouver une certaine haine envers lui.
« Une prise en charge nécessaire »
La situation évoquée précédemment ne pouvait plus durer. Cela devenait bien trop dangereux, ma mère commençait à avoir peur de lui, et moi, j’étais traumatisée.
J’attendais la « crise de trop » pour pouvoir appeler le SAMU et faire déplacer des professionnels chez nous. J’avais peur de leur inaction et des retombées que nous subirions de la part de mon père s’ils n’agissaient pas. Il était si différent devant des inconnus et paraissait tellement « normal » que je savais qu’ils « tomberaient dans le panneau ». À vrai dire, je ne voyais qu’une seule issue : attendre le drame.
« L’hospitalisation »
Bien entendu, mon père ne voulait pas partir de chez nous, il hurlait qu’il n’était pas fou, qu’il voulait sa femme.
[…] un médecin des urgences nous appela. Notre démarche l’avait choqué, il trouvait inadmissible de faire intervenir une équipe de gériatrie alors que mon père présentait un bilan sanguin normal, ainsi qu’un scanner cérébral normal. Il voulait que nous allions récupérer mon père sur-le-champ, il osa même demander à ma mère, avec qui il était au téléphone, ce qu’elle lui avait fait pour le mettre dans un état pareil.
[…] J’étais désemparée face à ce comportement inhumain, et très inquiète quant à la suite des événements. La culpabilité était en train de nous rattraper ma mère et moi.
« L’entrée en EHPAD »
J’ai toujours été en admiration devant les personnes qui gardent leurs proches à domicile ; je m’étais promis de ne pas placer mes parents, mais là, nous n’avions pas vraiment le choix. En effet, ma mère travaillait, j’avais encore deux ans d’études…
[…] C’était bien trop compliqué, une structure permettrait d’avoir un œil sur lui chaque jour, à chaque moment de la journée.
« Le verdict »
Le diagnostic n’était toujours pas posé, alors le médecin traitant de mon père décida de l’envoyer dans une clinique spécialisée et adaptée aux troubles psychiatriques liés au vieillissement.
[…] Bien sûr, il ne pouvait pas nous répondre quant à l’évolution de la maladie, mais pour lui c’était sûr, c’était bel et bien une maladie apparentée à la maladie d’Alzheimer, la dégénérescence fronto-temporale.
« Aujourd’hui »
Nous avons, avec du temps, réussi à réaliser notre « rêve » pour mon papa. Lui faire la plus belle surprise qu’il puisse avoir. Lui rendre visite avec notre petite chienne Jade.
[…] Aujourd’hui nous ne remercierons jamais assez le personnel soignant qui sait être à notre écoute et nous rassurer lorsque mon père est en pleine crise.
[…]Il nous aura donc fallu un peu plus d’un an et demi avant que mon père ne soit pris en charge par des professionnels, puis huit mois avant de trouver le nom de la pathologie dont il souffre. Huit longs mois d’attente.
[…] Il reste difficile d’accepter cette situation, de se dire que finalement, rien ne pourra jamais plus redevenir comme avant. Cette pathologie est une succession de deuil ; le deuil blanc.
[…] J’ai toujours pensé que pour réellement comprendre la maladie, il fallait la vivre, et j’en ai la preuve…
Si j’ai décidé d’écrire ce livre, c’est avant tout pour retracer tout ce chemin, qui a été un très long parcours du combattant.
Mais j’apporte aussi ce témoignage pour aider les personnes se retrouvant dans une situation similaire. […]
J’ai eu envie de partager mon expérience, afin d’expliquer, de témoigner et, j’espère, faire que mon parcours soit aussi un message d’espoir.